mercredi 1 juin 2011

Le lecteur en Église




Pour la soirée du samedi, la Communauté de Reuilly a aimablement mis sa chapelle à notre disposition et les soeurs étaient à nos côtés.
Alain et Marion Combes sont comédiens ; il se sont spécialisés dans la déclamation et la mise en scène du texte biblique. Ils ont donné quelques conseils, avec démonstrations, pour la prise de parole en public et, en particulier dans l'Église : quelques explications, mais aussi des exercices pratiques et tout le monde a participé.
Alain Combes a transmis un texte en rapport avec le contenu de cette soirée.

Le lecteur

Le lecteur en Église est sérieux. Plein de bonne volonté, il accepte la charge qu'on lui confie : lire un texte biblique. Le lecteur est généralement conscient que ce genre de lecture n'est pas banal : elle peut éveiller chez les auditeurs des sentiments variés, les conduire à la réflexion, au questionnement intérieur, et faire écho à des émotions du vécu.
Tout cela, le lecteur le sait, ou le sent. Mais, le savoir, est-ce suffisant pour assumer cette tâche et pour que la lecture porte des fruits et ne tombe pas dans l'indifférence du plus grand nombre ?
Le sérieux est-il suffisant, si la voix est faible, le souffle irrégulier, l'articulation molle, le dynamisme excessif ou défaillant ? Non, bien sûr.
Mais passons ces premières difficultés ; imaginons le lecteur bien audible, avec un phrasé parfaitement intelligible et clair : n'a-t-on pas le plus important ?
Ce résultat correct, qui malheureusement n'est pas toujours atteint, serait donc de bien faire entendre mots et phrases ?
On peut s'arrêter là, et se déclarer satisfait. Pourtant, si l'assemblée n'arrive pas à « accrocher », si la lecture, selon l'expression, « passe par une oreille, et sort par l'autre », si le texte ne suscite ni amorce de réflexion, ni questionnement, en bref, si la mémoire n'en retient rien… est-ce toujours la faute du texte ? Cela signifie-t-il toujours que le contenu est trop obscur, trop difficile, trop décalé, trop loin ?
Un phrasé monotone ne peut-il pas éteindre l'attention et produire une non-écoute au même titre que si les mots n'étaient pas audibles ?
Un découpage maladroit des phrases, une ponctuation mal placée, des pauses trop régulières ou trop courtes ou déséquilibrées, un débit très rapide qui essouffle, ou très lent qui épuise, ou trop régulier qui endort, et voilà l'auditoire qui abandonne l'écoute.
Être sérieux, pour un lecteur, c'est se donner les moyens d'un apprentissage de « la Parole dite », c'est faire l'effort de perfectionner cet instrument si riche qui porte souffle, timbre, rythme, nuances, au service de la Parole.

Le prédicateur

Le prédicateur, lui, se double toujours d'un lecteur, il pratique les deux fonctions. Au moment de sa prédication, il n'a pas toujours une assistance en pleine attention, avide de chaque phrase qui tombe de sa bouche. L'auditeur du prédicateur n'a pas toujours l'esprit disposé à aller chercher chaque idée, à la réfléchir, à l'apprécier. Même si on suppose l'auditeur a priori intéressé par la prédication, il peut être fatigué, il peut manquer d'empressement à entrer dans la célébration ou dans le message.
Mais on peut imaginer aussi que l'auditeur peine à s'attacher à ce qui est dit si la prédication est fade, si l'expression est lourde ou monotone. Le verbe sera peut être bien choisi, le contenu intéressant, mais la « manière » du prédicateur atténuera ou gommera ces qualités.
Faudra-t-il user de ressources variées, de nouveautés surprenantes ? Avant d'en arriver à des artifices, parfois intelligents et créatifs, n'est-il pas nécessaire de remettre en cause sa manière de communiquer ? L'oral est toujours aussi indispensable que par le passé pour entrer en relation avec un autre être humain. Il suffit de voir la floraison actuelle de lieux de parole, ludiques ou thérapeutiques, l'importance des échanges à tous les âges de la vie...
Bien sûr, on peut trouver des prétextes à ne rien changer, croire que l'Esprit de Dieu travaille sans nous (ou malgré nous), penser que l'auditoire est peu sensible à la forme, dire que tout travail sur sa manière de parler est une tentative de manipuler l'auditeur...
On peut répondre à tout cela par le bon sens, par un examen simple de ce qui se vit tous les jours. Comment détacher réellement la forme du fond ? Est-il question de devenir un orateur éloquent, un acteur d'Eglise, un habile et séducteur bavard ? Revenons à l'humble réalité !
Soyons simplement attentifs à ce que nos « outils » (voix, rythme, inflexions de voix, posture, gestes...) participent au contenu du message. Évitons que notre manière de prêcher ne dise le contraire (ou autre chose) que ce que nous souhaitons dire.
Marion et moi, depuis près de vingt ans, nous cherchons à rendre cohérente notre manière de lire ou de parler en public. Nous cherchons avec les lecteurs, les prédicateurs, les liturges, qu'ils soient laïcs, pasteurs, prêtres, qu'ils se réclament d'une sensibilité chrétienne ou d'une autre. Nous faisons le chemin ensemble au travers de stages et de formations diverses pour que la Parole soit portée clairement dans sa force et sa richesse.
Nous n'enseignons pas tant une méthode qu'une manière de se poser les bonnes questions et de tenter des réponses.
Alain Combes



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